Établir un suivi de la dette technique avec les DORA Metrics

14 min de lecture
Rédigé par Thomas Lefèvre le 5 mars 2025
Sommaire

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Les DORA Metrics sont devenus la référence pour mesurer la performance des équipes tech. Délais de déploiement, fréquence des releases, stabilité des mises en prod… Tout est chiffré, tout est suivi.

Sur le papier, c’est idéal pour optimiser le développement logiciel. Mais ces métriques sont souvent mal comprises et mal exploitées :

  • Trop d’équipes les collectent sans en tirer parti. Afficher un joli dashboard, c’est bien. Mais si personne n’en fait rien, c’est inutile.
  • Trop de managers les transforment en objectifs absurdes. Réduire le MTTR à tout prix ? Facile : il suffit de déployer moins souvent pour limiter les incidents. Résultat : le produit stagne.
  • Trop de projets les appliquent sans contexte. Comparer les DORA Metrics d’un SaaS en déploiement continu et d’un système embarqué critique ? Aucun sens.

Et surtout, trop d’équipes pensent que ces chiffres ne concernent que les DevOps. En réalité, les DORA intéressent tout le monde : DSI, CTO, product managers… Elles permettent de piloter la capacité de livraison, d’anticiper les frictions et d’aligner la tech avec les enjeux business. Mais encore faut-il qu’elles soient utilisées intelligemment.

Le vrai enjeu, ce n’est pas juste de mesurer, c’est d’agir. Une métrique n’a de valeur que si elle permet d’améliorer le delivery et d’accélérer la mise en production de fonctionnalités utiles.

On a déjà exploré comment fixer des objectifs de succès pour un logiciel. Ici, on va voir comment ces métriques peuvent (ou non) être des indicateurs pertinents pour y parvenir. Et comment les mettre en place intelligemment en évitant les pièges classiques qui les rendent inefficaces. 

Les 4 Métriques DORA (et ce qu’elles révèlent vraiment)

Les DORA Metrics ne servent pas juste à mesurer la performance d’une équipe tech, elles révèlent où se situent les blocages et comment améliorer le delivery. Mais encore faut-il les interpréter correctement.

Deployment Frequency (DF) : livrer souvent ne suffit pas

Déployer fréquemment, c’est essentiel pour un produit en mouvement. Mais une cadence élevée ne veut rien dire si chaque mise en prod est insignifiante ou risquée. L’enjeu, ce n’est pas juste d’augmenter le rythme, c’est de livrer régulièrement des incréments de valeur réels.

Si une équipe peine à livrer plus d’une fois par mois, ce n’est pas un problème de motivation, c’est souvent un workflow rigide : backlog trop engorgé, sprints mal calibrés, process de validation trop lourds. 

À l’inverse, une équipe qui pousse en production plusieurs fois par jour, mais avec un taux d’échec élevé, prend des risques inutiles.

Ce qui fait la différence ? Un pipeline fluide, des releases incrémentales et des feature flags pour éviter les big bangs.

Mean Lead Time for Changes (MLTC) : où se perd le temps ?

Du premier commit à la mise en production, combien de temps s’écoule-t-il ? Un délai excessif indique souvent des goulets d’étranglement :

  • PR qui traînent : une review qui dure trois jours, c’est une feature qui stagne.
  • Tests manuels trop lourds : automatiser les tests unitaires et d’intégration permet d’accélérer sans sacrifier la qualité.
  • Process internes rigides : si chaque mise en prod passe par une validation manuelle complexe, c’est toute la chaîne qui ralentit.

L’objectif n’est pas forcément de livrer en un temps record, mais de réduire le temps perdu sur des étapes sans valeur ajoutée.

Change Failure Rate (CFR) : des déploiements sous contrôle

Un taux d’échec élevé lors des mises en production n’est pas une fatalité, c’est un symptôme. Mauvaise couverture de tests, intégrations instables, manque de monitoring… Les causes peuvent être multiples, mais elles signalent une chose : l’équipe ne maîtrise pas complètement son delivery.

Un CFR faible ne signifie pas qu’une équipe est ultra-performante, juste qu’elle ne casse rien. Mais si elle prend zéro risque et livre peu, ce n’est pas un indicateur de succès. L’enjeu est de trouver le bon équilibre entre rapidité et stabilité.

Mean Time to Recovery (MTTR) : la vitesse de réaction est clé

Les incidents sont inévitables. Ce qui compte, c’est la rapidité avec laquelle l’équipe les détecte et corrige. Un MTTR long peut révéler plusieurs problèmes :

  • Manque de visibilité : une équipe qui découvre un bug via les retours utilisateurs est déjà en retard.
  • Process de correction trop lents : si chaque fix demande une validation interminable, la réactivité en prend un coup.
  • Absence de rollback efficace : un bon déploiement permet un retour arrière instantané si un problème est détecté.

Le but n’est pas d’éviter les incidents à tout prix, mais de s’assurer que leur résolution est quasi immédiate, sans impacter les utilisateurs.

Fiabilité : l’oubliée qui change tout

Livrer vite, c’est bien. Livrer sans casser, c’est mieux. La fiabilité est la 5e métrique qui manque aux DORA. Elle ne mesure pas la cadence des déploiements, mais leur impact sur la stabilité du produit.

Un MTTR bas ne sert à rien si les incidents explosent. Un DF élevé n’est pas un bon signal si chaque mise en prod entraîne une panne. La vraie question, ce n’est pas « combien de temps on met à réparer », mais « pourquoi on doit réparer aussi souvent ».

Ce qui compte, c’est : 

  • Le taux de disponibilité : un service rapide mais down 10% du temps est un mauvais service.
  • Une performance stable : si chaque release ralentit l’application, c’est un problème.
  • Une expérience utilisateur fluide : si le système plante aux heures de pointe, tous les autres KPIs sont faussés.

Les DORA Metrics mesurent le delivery. La fiabilité s’assure que ce delivery ne tourne pas à la catastrophe.

Les métriques DORA ne suffisent pas : un cas concret

Une équipe SaaS déploie en continu, corrige ses incidents en moins de 8 heures… et pourtant, les utilisateurs ne voient pas d’amélioration. Pourquoi ?

En creusant, ils réalisent que leur Change Failure Rate reste trop élevé. Les correctifs sont rapides, mais les bugs récurrents. Leur Mean Lead Time for Changes est long : les features passent trop de temps en review et en test manuel. Résultat ? Un faux sentiment d’efficacité.

Plutôt que de chercher à maximiser chaque métrique, l’équipe change d’approche. Automatisation des tests, cycles de review raccourcis, regroupement des évolutions pour des releases plus cohérentes. 

👉 Le vrai impact vient de l’optimisation du workflow, pas du chiffre brut des DORA.

Les pièges à éviter avec les métriques DORA

Les DORA Metrics sont des outils de pilotage, pas des objectifs en soi. Pourtant, trop d’équipes tombent dans les mêmes travers :

Optimiser pour le chiffre, pas pour la valeur

Vouloir à tout prix augmenter la fréquence de déploiement sans logique produit, c’est s’assurer un backlog rempli de micro-features sans impact. Une équipe qui pousse 10 releases par jour mais dont aucune n’apporte de valeur n’a rien gagné.

Ne cherchez pas à optimiser une métrique isolée. Avant d’augmenter la fréquence de livraison, demandez-vous : chaque mise en production améliore-t-elle réellement le produit ? La bonne approche, c’est de livrer souvent, mais en gardant un vrai lien avec les besoins utilisateurs.

Sacrifier la qualité pour la vitesse

Un Mean Lead Time for Changes raccourci de moitié ? Super. Mais si les retours utilisateurs explosent et que le Change Failure Rate grimpe, c’est un faux progrès. Une livraison rapide ne sert à rien si elle génère du rework.

Vitesse et qualité ne sont pas incompatibles, mais l’une ne doit pas écraser l’autre.

  • Automatisez les tests (CI/CD) ; 
  • Assurez-vous que chaque commit est validé par une review efficace ; 
  • Utilisez des feature flags pour éviter les déploiements risqués.

Piloter en silo

Les DORA ne disent pas tout. Une équipe peut afficher des indicateurs « verts » mais être en échec total sur l’expérience utilisateur ou la robustesse du produit. Les métriques doivent être croisées avec des feedbacks réels et des KPIs business.

Les DORA sont un levier d’amélioration technique, mais elles doivent être mises en perspective avec des métriques métier (adoption, satisfaction utilisateur, revenus générés par les nouvelles fonctionnalités). Une équipe performante ne se définit pas uniquement par la rapidité de ses releases, mais par leur impact réel.

👉 Les DORA sont des boussoles, pas des diktats. Leur utilité dépend de leur interprétation et des décisions qu’elles permettent de prendre.

Mettre en place les DORA Metrics intelligemment

Mais mal implémentées, ces métriques deviennent un exercice de reporting stérile, voire un piège qui fausse la réalité. L’enjeu n’est pas de suivre des chiffres, mais d’en tirer des décisions actionnables qui améliorent réellement la vélocité et la stabilité des livraisons.

Four Keys Pipeline : La passerelle pour vos DORA Metrics

Le pipeline Four Keys est une solution développée par l’équipe DORA pour intégrer des données disparates et les transformer en métriques DORA. 

Il collecte les informations de vos outils DevOps (comme GitHub ou Cloud Build) via des webhooks, les analyse, et les structure en changements, déploiements et incidents. Le tout ? Un processus simple et adaptable pour suivre la performance technique en temps réel. 

Ajouter une nouvelle source de données ? Il suffit d’adapter le script SQL. C’est une approche flexible et évolutive pour que vous puissiez avoir une vision claire et actionnable de vos métriques.

Des outils, mais pas du reporting passif

Les métriques DORA reposent sur des données issues du cycle de développement : commits, builds, déploiements, incidents… Tenter de les suivre manuellement est une perte de temps. 

Automatisez leur suivi, avec ces solutions :

  • LinearB : visualisation des goulots d’étranglement et recommandations actionnables.
  • GitLab Analytics / GitHub Insights : analyse native du cycle de développement.
  • Datadog / New Relic : monitoring des incidents et du MTTR avec alertes automatisées.

Exemple de Dashboard, avec LinearB

L’objectif ? Que ces outils s’intègrent naturellement aux workflows existants, sans devenir une contrainte supplémentaire. Une métrique qui demande un effort manuel pour être collectée ou interprétée ne sera jamais utilisée efficacement.

Éviter les biais : une métrique isolée ne veut rien dire

Les chiffres sont séduisants, mais mal lus, ils peuvent induire des comportements contre-productifs :

  • Un DF élevé (déploiements fréquents) ne signifie pas une bonne qualité. Si le Change Failure Rate (CFR) monte en parallèle, c’est peut-être le signe que l’équipe pousse du code sans validation rigoureuse.
  • Un Lead Time qui baisse ne signifie pas une meilleure efficacité. S’il est artificiellement réduit par des cycles de review bâclés ou des merges précipités, le gain est une illusion.
  • Un MTTR très bas peut être un mauvais signal. Si l’équipe corrige vite mais que les incidents explosent, c’est un problème de stabilité plus profond.

La clé, c’est de toujours analyser les métriques ensemble. Une équipe performante, ce n’est pas celle qui « score » bien partout, mais celle qui trouve l’équilibre entre rapidité, stabilité et qualité.

Ne pas piloter l’équipe par la métrique, mais par l’impact métier

Les DORA Metrics ne sont pas des objectifs en soi. Une équipe qui optimise uniquement ces chiffres sans vision produit peut passer à côté de l’essentiel.

Pour éviter de tomber dans le piège du pilotage purement quantitatif :

  • Rattachez chaque amélioration à un impact concret. Ex : « On a réduit le Lead Time de 40%, ce qui nous permet d’expérimenter plus vite des features et d’optimiser l’engagement utilisateur. »
  • Favorisez l’apprentissage, pas la pression sur les chiffres. Une baisse temporaire d’un indicateur peut être normale après une refonte majeure. Ce qui compte, c’est la progression à moyen terme.
  • Encadrez les métriques par des feedbacks qualitatifs. Un dashboard ne remplace pas les retours terrain des équipes tech.
Point d’attention

👉 Les DORA Metrics sont un outil de pilotage, pas un but à atteindre. Bien utilisées, elles aident à affiner le delivery, sécuriser les mises en production et aligner tech et business. Mal exploitées, elles deviennent juste un tableau Excel de plus.

Au-delà des DORA : Les autres indicateurs clés

Les DORA Metrics mesurent l’efficacité opérationnelle, mais elles ne suffisent pas à elles seules pour piloter un produit. Une équipe peut livrer du code rapidement sans que ça n’ait d’impact positif sur l’expérience utilisateur ou la valeur business. Pour une vision complète, il faut croiser ces indicateurs avec d’autres dimensions essentielles.

La qualité du code : un accélérateur ou un frein ?

Si une équipe accélère ses releases mais que la dette technique explose, elle n’est pas performante, elle est juste en train de repousser les problèmes à plus tard. 

C’est là qu’une approche rigoureuse du Clean Code et du refactoring devient essentielle pour garantir un code maintenable. On l’a détaillé dans notre article sur la qualité du code et l’excellence technique.

Vélocité et gestion du backlog : livrer plus, mais livrer mieux

Un backlog qui se remplit plus vite qu’il ne se vide est un signal d’alerte. Plutôt que d’empiler des tâches, il faut s’assurer que chaque développement est réellement pertinent et priorisé en fonction de la valeur qu’il apporte. 

Le véritable piège ? Perdre de vue les priorités et se laisser envahir par des tâches secondaires. Chaque feature doit non seulement être utile, mais aussi contribuer directement à l’objectif global. C’est là que la revue continue et l’arbitrage entre priorités deviennent essentiels.

L’impact utilisateur : le vrai juge de paix

Les DORA Metrics indiquent si une équipe livre efficacement. Mais livrer vite ne sert à rien si personne n’utilise les fonctionnalités mises en production. Un bon rythme de déploiement doit se traduire par une adoption effective et une amélioration continue de l’expérience utilisateur.

Pour s’assurer que la performance technique se traduit en impact réel, il faut compléter par une mesure plus large du succès produit. On en parlait en détail dans notre article sur comment fixer les objectifs de succès d’un logiciel.

Les bons KPI ne servent à rien sans les bonnes décisions.

Les DORA Metrics sont devenues un standard pour évaluer la performance des équipes tech. Mais les suivre aveuglément, c’est risquer de confondre vitesse et efficacité. Un bon Change Failure Rate ne garantit pas que l’équipe livre des features utiles. Une fréquence de déploiement élevée ne prouve pas que le produit évolue dans la bonne direction.

Ce qui fait la différence, ce n’est pas juste de mesurer, c’est de comprendre ce qu’on mesure et pourquoi on le mesure.

Trois principes pour piloter intelligemment :

  • Les métriques ne sont qu’un moyen, pas une finalité. Elles doivent éclairer des décisions, pas dicter des objectifs absurdes.
  • Toujours croiser les indicateurs. Une seule métrique isolée ne raconte jamais toute l’histoire. La vélocité sans la qualité, c’est du code à jeter dans 6 mois.
  • Aligner les KPIs avec la valeur produit. Livrer vite, c’est bien. Livrer quelque chose qui a un vrai impact, c’est mieux.

Envie d’aller plus loin ? Optimiser une équipe tech, ce n’est pas juste empiler des KPIs. C’est structurer un cadre qui favorise la performance réelle, sans rigidité inutile. Parlons-en.

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