Zoom sur les arnaques et pratiques douteuses de certaines agences web

17 min de lecture
Rédigé par Franck Mairot le 7 septembre 2016
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La Fabrique du Net met quotidiennement en relation des porteurs de projets et des agences web, ce qui nous offre la chance de recevoir chaque jour des retours d’expériences sur des projets qui se passent bien…ou pas. Il arrive souvent que des entrepreneurs nous contactent pour nous demander un avis sur les pratiques de telle ou telle agence, et on se retrouve parfois devant des pratiques pour le moins douteuses, voire des arnaques avérées. Nous abordons dans cet article les 6 principales arnaques que nous avons pu identifier. Encore faut-il se garder des jugements à l’emporte-pièce. Soyons honnête, la grande majorité des agences web font leur travail correctement. Dans la plupart des litiges avec les agences web qui nous parviennent, le client a aussi une part de responsabilité. Nous revenons sur ce point dans la deuxième moitié de l’article, en énumérant les principales causes de conflits agences web / clients.

Retour sur 6 arnaques, ou pratiques douteuses, mises en place par des agences web

Les arnaques d’agence web peuvent prendre des formes très différentes. Voici un focus sur 6 arnaques qui nous ont plusieurs fois été rapportées et auxquelles vous pouvez être confronté en tant que porteur de projet web.

La vente one-shot, ou le site web faussement gratuit

La vente one-shot (en une seule fois) est probablement l’arnaque la plus répandue sur le web – et la plus vicieuse aussi. Le schéma de ce type d’arnaque est toujours le même : le commercial de l’agence vous affirme qu’il est disposé à créer gratuitement votre site internet et vous fait croire à un partenariat. Si vous acceptez, le commercial vous demande – ou plutôt vous presse – de signer plusieurs contrats tous plus incompréhensibles les uns que les autres. Le principe du « one-shot », c’est, au prétexte d’une offre alléchante, d’arracher votre signature sans que vous n’ayez eu le temps de prendre connaissance du contenu des contrats.

Dans la majorité des cas, vous êtes invité à signer un contrat pour la création de votre site internet. Ce contrat contient une clause qui permet à l’agence de placer des publicités sur votre site pour rémunérer la prestation gratuite qu’elle vous propose. Même si la prestation est gratuite, l’agence vous demande un chèque à l’ordre d’une société de leasing (on y revient). C’est là que les choses commencent à devenir très louches. L’agence prétend qu’elle vous remboursera au fur et à mesure des rentrées d’argent engendrées par les publicités. L’objectif étant de vous rembourser le chèque que vous avez adressé à la société de leasing et d’honorer la promesse de gratuité.

Après avoir signé les contrats, vous prendrez rapidement la mesure de la piètre qualité du site « gratuit » que le commercial vous a vendu. Il s’agit toujours de sites faits à la va-vite, sur des modèles préexistants et ultra-basiques, sans aucune personnalisation, non modifiables, ne comportant qu’une ou deux pages. Bref, des sites qui ne servent à rien. Quelques temps plus tard, l’agence finit par vous faire comprendre que votre site ne génère pas suffisamment de trafic – on comprend pourquoi – , et donc pas assez de revenus publicitaires. Elle ne vous remboursera donc pas, et s’appuie pour justifier sa décision sur une clause du contrat que vous n’avez bien sûr pas eu le temps de lire.

Mais ce n’est pas fini. Dans un contrat de one-shot, vous ne signez pas seulement un contrat de création de site, vous signez aussi un contrat de location ou de crédit-bail avec une société de leasing (= un organisme financier) – celle à laquelle votre chèque a été libellé. Vous vous êtes fait doublement avoir. Non seulement le site n’a aucun intérêt, mais en plus vous vous êtes engagé, contre votre gré, auprès d’une société financière à laquelle l’agence a revendu votre site. Les loyers peuvent atteindre plusieurs centaines d’euros par mois, et ont une durée qui tourne en général autour de 48 mois ( 4 ans). Au final, l’addition peut atteindre plusieurs dizaines de milliers d’euros.

Les devis payants

Cette arnaque consiste, pour une agence web, à vous faire payer le devis sans vous en informer au préalable. Le fait d’avoir à payer le devis est déjà en soi une pratique un peu douteuse. Et elle l’est d’autant plus si l’agence ne précise pas noir sur blanc le caractère payant du devis. Dans ce dernier cas, on n’a même plus affaire à une pratique douteuse, mais bel et bien à une arnaque.

Une porteuse de projet nous a récemment raconté avoir été victime de ce genre de pratique. Nous avons proposé un droit de réponse à l’agence incriminée. A l’heure où ces lignes sont écrites, celle-ci n’a toujours pas répondu :

arnaque agence web commentaire devis payant

Il faut savoir que lorsque vous contactez une agence web pour réaliser un projet – quelle que soit sa nature – celle-ci est en droit de choisir ou non de vous proposer un devis. Il faut être conscient qu’établir un devis – quand c’est bien fait (devis détaillé) – est un travail très chronophage. C’est un investissement commercial coûteux pour l’agence web et qui dans l’immense majorité des cas n’est pas facturé.

Si ce sujet vous intéresse, découvrez notre article sur comment analyser et évaluer un devis pour la création d’un site internet.

L’appartenance du domaine et du code source

Lorsque vous confiez la création de votre site internet à un tiers, à qui appartient le site ? Qui en est le propriétaire ? La réponse naturelle, c’est : au porteur du projet. Eh bien non. Un site internet est une création originale qui, de ce fait, appartient en droit à son créateur – en l’occurrence à l’agence. C’est un des droits fondamentaux inscrit dans le Code de la propriété intellectuelle. Pour que le client devienne titulaire des droits de propriété du site en question, le contrat conclu avec l’agence doit intégrer une clause de cession des droits d’auteur. Cette clause permet le transfert de la propriété des droits patrimoniaux (droit de représentation, droit de reproduction, droit de diffusion, droit d’exploitation…). Le droit moral, quant à lui, est inaliénable (dans le système juridique français en tous cas). L’auteur du site restera l’agence.

Le petit conseil de La Fabrique du net
Pensez à bien vérifier dans votre contrat la présence de la clause de cession de droits d’auteur.

Dans le cadre d’un site internet, la propriété concerne premièrement le nom de domaine, i.e l’adresse du site, comme par exemple : www.monsite.fr, deuxièmement le code source, i.e la structure de votre site, construite en langage informatique, troisièmement les contenus présents sur le site (textes, images, vidéos, etc.).

En l’absence de cession des droits d’auteur, l’agence pourra interdire la reproduction de votre site ou son imitation. Elle pourra aussi exiger la mention de son nom sur le site, exiger des modifications en vu de préserver l’intégrité de son « oeuvre ». Il pourra aussi refuser que vous conserviez votre nom de domaine en cas de rupture du contrat. Les enjeux sont donc colossaux.

Le cas des CMS « fermés »

Certaines agences web développent leur propre CMS (Content Management System), c’est-à-dire leur propre logiciel de création de site internet. Dans l’absolu, il n’y a rien de mal à cela…à la condition que le client comprenne bien ce que cela signifie et les conséquences que cela comporte. En l’occurrence, si vous décidez après un an ou deux ans de collaboration de changer de prestataire, il n’est pas dit que vous puissiez faire travailler une autre agence sur votre site. L’agence devra pratiquement tout reprendre de zéro.

Lorsque l’agence utilise un CMS « maison », vous êtes beaucoup plus dépendant d’elle. On peut parler d’arnaque si l’agence ne vous a pas informé de ce type de conséquences. On peut également parler d’arnaque si l’agence profite de votre condition de client captif pour imposer un rapport de force en sa faveur et commettre des abus. Notamment une augmentation de prix. Ce qui nous amène au cinquième type d’arnaque d’agence web.

La pratique des TJM croissants

Le tarif journalier moyen (TJM), c’est, comme son nom l’indique, le tarif que facture l’agence par jour. Le tarif d’une prestation est calculée en multipliant le TJM par le nombre d’heures prévisionnel nécessaire à la réalisation de la prestation. Il arrive que le TJM évolue à la hausse au fur et à mesure de l’avancement du projet. Par exemple, l’agence vous propose un TJM de 400 euros au départ, lors de la phase initiale du projet, puis, une fois le site développé, passe à un TJM de 600 euros. Avec des raisons plus ou moins justifiées et justifiables : le passage à un travail plus ponctuel, la réduction du nombre d’heures passées par mois… Cette augmentation n’est pas toujours annoncée au départ. Et lorsque l’on travaille déjà avec un prestataire qui connaît bien le sujet, il n’est pas toujours évident de changer.

Pour remettre les choses dans leur contexte et dans le cadre de la pratique générale des agences web, il faut savoir que le TJM n’est la plupart du temps pas annoncé comme tel au départ. Ce qui apparaît sur le devis, c’est le prix forfaitaire, qui, on l’a vu, est obtenu en multipliant le nombre d’heures par le TJM. Pour proposer un prix compétitif, certaines agences rognent sur le TJM initial, et compte sur la suite de la collaboration pour se rattraper et l’augmenter. Si cette augmentation est annoncée clairement dès le départ, c’est très bien. Dans le contraire, on est en face d’une pratique (très) douteuse.

Pour en savoir plus sur les devis de site internet et les tarifs journaliers moyens (TJM), lire notre article « Devis site internet : les pièges à éviter« .

La facturation de la maintenance invisible

Le coût global d’un site internet ne se réduit pas au coût de création du site. Un site, ça s’entretient. Il arrive que certains porteurs de projet s’en aperçoivent un peu tard. En fait, vous devez dès le départ prévoir dans votre budget les coûts de maintenance. C’est dans la plupart des cas l’agence elle-même qui s’occupe de la maintenance du site qu’elle a créé pour vous. Une maintenance « générale » est facturée le plus souvent sur la base d’un tarif forfaitaire mensuel. Par exemple, 1 000 euros par mois. Les prestations de maintenance peuvent intégrer l’infogérance des serveurs, les mises à jour de plugins, les corrections de bugs, etc. C’est un travail important, mais dont il est difficile d’estimer le temps de travail lorsque l’on est débutant. Certaines agences profitent de la peur de certains clients pour sur-facturer la maintenance. Si vous êtes visiblement face à une arnaque de la part de votre agence web, vous pouvez – c’est une solution – confier votre maintenance à un freelance expérimenté et honnête.

Vous souhaitez créer une boutique en ligne ? Voici tous les postes de coût à prendre en compte pour anticiper les coûts de maintenance de votre site e-commerce.

Le petit conseil de La Fabrique du net
En cas de doute, demandez l’avis d’un professionnel expérimenté. N’hésitez pas à nous poser toutes vos questions /interrogations sur la communauté Slack de La Fabrique du Net.

Ne pas confondre arnaque et conflit avec son agence web. A qui la faute ?

Comme nous le disions en introduction, la responsabilité n’est pas toujours à mettre du côté de l’agence web. C’est un constat fait d’expérience, sans parti pris. En clair, tous les litiges entre agences web et porteurs de projet ne se réduisent pas à des arnaques – même si les porteurs de projet ont souvent tendance à le penser, et même s’il n’est pas question ici de minimiser les arnaques, qui existent bel et bien. Avant d’établir une typologie des conflits les plus fréquents entre les agences web et les clients, un petit détour juridique s’impose.

Un peu de droit pour commencer

Juridiquement, dans quelles conditions peut-on parler d’arnaques ?  Première question. Ensuite, deuxième question : en cas d' »arnaque » d’agence web, quels sont les recours possibles ?

Qu’est-ce qu’une « arnaque » d’un point de vue juridique ?

Disons-le tout de suite, « arnaque » n’est pas un terme juridique. Le terme est absent du Code civil. Dans la langue des juristes, on parlera de « dol ». Pour comprendre ce qu’est un dol, il faut savoir ce qu’est un contrat. Un contrat, c’est un acte juridique bilatéral, le plus souvent écrit, qui lie au moins deux personnes et fixe, pour chacun des co-contractants, une série de droits et d’obligations. Ces droits et ces obligations découlent soit de la loi, soit de clauses négociées librement par les parties au contrat.

On parle de « dol » lorsqu’un des co-contractants trompent l’autre et, par là même, introduit un « vice de consentement ». L’article 1116 du Code civil dispose que le dol entraîne la nullité du contrat. On peut parler de dol dès lors qu’une agence web vous fait signer un contrat comportant des conséquences qui ont volontairement été cachées. Et plus largement dès lors que l’agence vous cache délibérément des informations dans le but de vous inciter à signer le contrat. Les arnaques d’agences web répondent à cette définition du dol. Il peut arriver – mais c’est très marginal – qu’une agence ne respectent pas les obligations et les droits fixés dans le contrat. Mais dans ce cas, il ne s’agit plus d’une « arnaque » à proprement parler. C’est un autre problème, qui ne nous concerne pas ici.

« Le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l’une des parties sont telles, qu’il est évident que, sans ces manoeuvres, l’autre partie n’aurait pas contracté. Il ne se présume pas et doit être prouvé ». (Code civil, art. 1116)

Quels sont les recours possibles en cas d’arnaque d’agence web ?

Si vous vous estimez victime d’une arnaque de la part de votre agence web, vous avez la possibilité de saisir la justice pour :

  1. Demander au juge l’annulation du contrat, en application de l’article 1304 du Code Civil (dans un délai de 5 ans).
  2. Demander des dommages et intérêts à l’agence web, au titre de la responsabilité civile.

En vertu de l’article 1116 du Code civil, vous devrez prouver au juge la réalité de l’arnaque (= du « dol »). Le tribunal compétent dépend du montant du préjudice estimé. Pour une somme inférieure à 4 000 euros, vous devez saisir le juge de proximité. Entre 4 000 euros et 10 000 euros, c’est le tribunal d’instance que est compétent. Au-delà de 10 000 euros, le tribunal de grande instance. Vous serez ensuite convoqué – vous et un représentant de l’agence – devant le juge. Le recours à un avocat n’est pas obligatoire, sauf si l’affaire est portée devant le tribunal de grande instance.

La poursuite judiciaire doit être considérée comme le dernier recours. Avant de saisir la justice, tentez de trouver une solution amiable avec l’agence. Si l’agence se montre complètement fermée à vos arguments et refuse de faire un geste, envoyez-lui un courrier en recommandé avec accusé de réception dans lequel vous lui expliquez la situation et ce que vous lui reprochez. Vous pouvez aussi joindre une association de consommateurs qui vous aidera dans vos démarches, ou faire appel à un conciliateur qui tentera de trouver une solution.

La typologie des conflits classiques entre porteurs de projets et agences web

On peut classer les conflits entre porteurs de projet et agences web en 5 catégories.

Les retard de livraison et le manque de réactivité

Les livraisons en retard et le manque de réactivité de l’agence constituent des sources de conflits fréquentes. Il faut rappeler, à ce sujet, qu’un retard de livraison de l’ordre de 30% ne justifie pas en soi une situation de conflit. Dans le web, les travaux sont rarement complètement standardisés. Le temps de réalisation doit donc toujours être considéré comme du prévisionnel. Par contre, le manque de réactivité de la part d’une agence est beaucoup plus critiquable. Un temps de réponse supérieur à 48h est inadmissible et peut légitimement susciter de la colère de la part du client.

Les modifications du cahier des charges initial à la demande du client

Il s’agit probablement du principal problème rencontré par les agences. Dans le cas où le site web est facturé au forfait, l’agence web a évalué le temps de travail sur la base d’un brief initial plus ou moins formalisé et complet. Evidemment, au cours du projet, le client a parfois envie de revenir sur certains points, plus souvent pour ajouter des demandes que pour en supprimer. L’agence doit alors arbitrer selon les cas et déterminer si cela fait partie du « forfait initial » ou si une révision du devis s’impose. Le client argumente la plupart du temps en faveur de la première option, estimant que cette fonctionnalité est « évidente, logique compte tenu du fait que l’on propose aussi XXX ». L’agence web a quant à elle plutôt tendance à estimer que cela n’avait pas été précisé initialement. Bref, tout cela est source de conflits, et ce n’est pas toujours l’agence qui est fautive.

Vous devez rédiger un brief pour formaliser votre demande vis-à-vis de l’agence mais vous ne savez pas comment vous y prendre ? Voici comment rédiger le brief pour la création d’un site internet.

Les conflits liés au niveau de finition

Le niveau de finition est toujours un sujet délicat, car certains clients sont particulièrement exigeants alors qu’ils voulaient un prix très compétitif. Dans le même temps, certaines agences n’hésitent pas à faire travailler des débutants (moins chers). On a déjà vu des agences faisant travailler des développeurs PHP pour coder des pages en HTML / CSS (interface visuelle).

Les phases de développement (recette) qui s’éternisent

Il s’agit là encore d’une source de tension importante, pour les deux parties. Les clients ne comprennent (= n’acceptent) pas toujours la présence de bugs au démarrage de la phase de recette et peuvent avoir du mal à accepter qu’il reste des bugs non corrigés à la fin de la phase de développement, lorsque celle-ci est définie par un nombre de jours strict. Les agences, de leur côté, se plaignent souvent des clients qui « se réveillent » au dernier moment lors de la recette et envoient subitement une énorme de liste de remarques.

Les conflits liés aux paiements en retard

C’est un problème qui, en l’occurrence, concerne uniquement les agences. Un problème classique, qui apparaît surtout pour les projets en phase de démarrage. C’est la raison pour laquelle les agences exigent parfois le paiement de la moitié de la prestation au démarrage. Ce qui, au vu du comportement de certains clients, peut se justifier.

Les conflits peuvent avoir des causes très différentes, comme on le voit. Leur portée est elle aussi très variable. Tous les conflits, fort heureusement, ne finissent pas devant les tribunaux. En tous cas, la responsabilité du conflit n’est pas toujours du côté de l’agence, même s’il ne faut pas minimiser l’existence de ce qu’il faut bien appeler des « arnaques ». Des arnaques d’agence web commises par certains professionnels peu scrupuleux et qui, malheureusement, sont encore beaucoup trop nombreuses comme le prouve les feedbacks réguliers que nous envoient nos lecteurs.

Vous êtes à la recherche d’une agence sérieuse et efficace ? Découvrez notre annuaire des agences web, qui répertorie plus de 120 structures réparties sur tout le territoire français.

Pour aller plus loin
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